29 novembre 2008

Que la vie me caresse.


Ses cheveux détachés virevoltent et s’emmêlent joyeusement. Deux, trois mèches lui frappent les yeux, le mouvement se calque sur le rythme énergique de ses pas. Il est minuit. Peut-être plus, peut-être moins. Qu'importe, après tout, elle n’a plus véritablement d’heure ni même de calendrier. Elle évolue au milieu des ruelles en direction du Pont des Arts. Elle pourrait se lancer les yeux fermés, tant elle connaît ce chemin par cœur. Elle va, traîne sa carcasse vers le banc qu’elle a fait sien, marche sur la pointe des pieds pour éviter de déranger l’ordre silencieux qui règne aux alentours.
Allongée sur son banc, elle n’a plus aucune conscience du monde qui l’entoure. La musique pour unique compagne, elle se laisse aller, les yeux clos, la bouche entrouverte. L’air est glacial et enveloppe tout son être à mesure que celui-ci sombre. Si le poids de la fatigue ne pesait pas si lourd sur ses frêles épaules, si ses paupières ne tiraient pas tant vers le bas, elle se serait avancée, ici où là. La notion de rythme lui étant particulièrement inconnue, elle se serait contentée de se mouvoir dans une espèce de transe anormale, pour se réchauffer. Le courage manquant à l’appel, elle reste échouée. Les bâillements redoublent, à mesure que la nuit avance. Les mains enfoncées au fond de ses poches pour réchauffer ses bouts de doigts frigorifiés, elle ne prend pas la peine de mettre la main devant la bouche.
Le temps glisse sur sa peau. La nuit est tranquille, presque amicale, et elle le regrette. Elle aurait aimé qu’au froid ambiant, se mêlent quelques gouttes de pluies. Pouvoir sentir l’humidité se répandre, délicatement, un peu partout. Mais le ciel n'a pas l’air de vouloir se décider et, pourtant, ce n’est pas faute de l’implorer. La déception est grande. Elle aurait tant voulu s’oublier dans la valse pluvieuse et pouvoir mettre au placard, l’espace d’un instant, ces battements de cœur qui emplissent sa vie et que la musique même n’arrive pas à faire taire. Elle aurait souhaité que la pluie vienne soulager ce corps un peu trop abîmé, à force de ployer sous cet air lourd de souvenirs.
Elle, c'est Moi.

19 novembre 2008

Trouble.


Les notes de musique coulent aux alentours mais n’apaisent pas le chaos intérieur. L’orchestre s’est remis en marche, en cette froide nuit de Novembre, et secoue mon être de toutes ses forces. Un vacarme terrible me submerge et fait valser mon cœur jusqu’à l’overdose. Je lève les yeux au ciel, espérant naïvement pouvoir retenir le trop plein. Les doigts se crispent et mes dents se serrent, à m’en faire exploser les mâchoires. C’était peine perdue, tout autour se brouille. Et, au loin, la vie m’appelle. Mais, les yeux brouillés, je n’entends pas. Je n’entends plus toutes ces voix qui, se voulant rassurantes, me crient que tout ira bien. Je reste là, les bras ballants, avec mes désirs d’encore au creux des reins. Ce goût d’irréel qui s’accroche à ma mémoire. A vouloir goûter le fruit de mes désirs, je me suis prise à mon propre piège. Je tente alors, avec peine, de faire taire ma peau quand celle-ci hurle le manque de toi. De calmer mes doigts endoloris qui, tant de fois, ont voulu te ramener à moi. Mais c’était sans considérer la force de la foudre. On ne tait pas ces choses là.
J’en suis là aujourd’hui de toute cette histoire. Du sel dans les yeux, les mâchoires crispées, le cœur endolori. Et plus rien entre les mains. Me reste coincée, quelque part, cette envie de voir venir quelque chose se hisser sur mes joues. On appelle ça un sourire, je crois.

11 novembre 2008

Insomnia.


Le marchand de sable est mort depuis bien longtemps. Les insomnies s’enchaînent et se déchaînent et je m’épuise à vivre ainsi, flanquée d’une armée de cuivres jouant constamment leur petit numéro dans ma tête. Les cachets se suivent, se décomposent dans mon verre mais rien n’y fait. J’essaye de calmer le vacarme autrement. De ma fenêtre, je contemple les nuages qui défilent, le ciel qui crache à la gueule du monde. La fenêtre est béante et l’agitation qui règne dehors amène à moi quelques gouttes, de temps à autre. J’ai la chair de poule. Et la même musique dans les oreilles depuis bien longtemps. De celles qui envoient ton cœur s’écraser sur le sol, qui libèrent tout un tas de souvenirs habilement enfouis et qui permettent à tes sentiments de crier douleur comme il se doit. Et cette douleur n’épargne rien, pas un seul de tes organes, c’est tout ton corps qui se contracte, qui accuse le choc. T’es grande ma fille, ravale tes larmes et, affirme, avec assurance, « même pas mal ». Seulement, cette nuit, je suis lasse de faire semblant. De jouer le jeu de la vie qui veut que notre passage ici bas ne soit qu’une succession de sourires forcés. J’accepte d’aller à contre-courant, de faire la grimace et déclencher les grandes eaux, sans honte aucune. La nuit se poursuivra sans doute ainsi, enchaînement de peines salées, jusqu’à ce que la source se tarisse.